Le grand, l’immense Jean-Claude Carrière vient de nous quitter. On admire ses talents de scénariste, de romancier, auteur de théâtre, mais on laisse sous silence ses quelques rôles au cinéma. J’avais remarqué son apparition en chauffeur livreur dans un court métrage de son complice Pierre Étaix, mais rien de significatif. Pourtant, il a été l’acteur principal d’un long métrage.
En 1971, Christian de Chalonge sort un deuxième film, L’Alliance d’après le roman éponyme de Carrière, publié en 1962. J’avais remarqué ce réalisateur à la télévision, dans une émission de France Roche, ou de son mari François Chalais, à propos de son premier film O Salto sur des immigrés portugais cachés à l’arrière d’un camion. Je suis en stage à LMT, sur les bords de la Seine à Boulogne, et tous les mercredis j’épluche La semaine de Paris ou L’Officiel des spectacles qui publient le programme des quelques 300 cinémas de Paris et sa banlieue. Je repère qu’à deux pas, on projette L’Alliance à la Porte Saint Cloud, un lundi à 17 heures. Mon ami, et voisin de stage, Patrick S., grand cinéphile devant l’Éternel, ne semble pas emballé (il le regrette encore !). Donc le jour dit je quitte la boite en avance, et je me retrouve dans un ciné miteux où nous devons être une petite vingtaine de spectateurs…
Dans les 70’s, pas de réseaux sociaux, Meetic et autres. Les esseulés (Lonely hearts’ club band des Beatles) se rabattent sur les agence matrimoniales. Hugues (JCC), jeune vétérinaire provincial, veut s’installer à Paris. Il cherche une femme qui aurait un grand appartement pour ouvrir son cabinet. Le directeur de l’agence (Jean-Pierre Darras, commercial et obséquieux à souhait) commence à se fatiguer des refus de son client, car c’est toujours la surface de l’appartement qui coince. « Nous ne faisons pas l’immobilier, seulement le matrimonial ! ». Et là, miracle, une jeune femme vient de s’inscrire, et elle habite un logement de 300 m² dans le 6ème arrondissement (je n’ose pas imaginer le loyer aujourd’hui !). Hugues ne semble pas remarquer la beauté de Jeanne (Anna Karina), mais regarde plutôt les moulures et cimaises de cet appartement haussmannien, avec jardin en plus !
Moi j’étais aussi allé voir ce film pour elle, car je l’adorais dans les films de Godard (son mari jusqu’en 1965) et dans la comédie musicale de Serge Gainsbourg Anna, avec son tube Sous le soleil exactement(https://www.youtube.com/watch?v=AvYd37BpXD0&feature=youtu.be)
Je ne vais pas spoiler la suite, comme on dit maintenant, mais vous verrez des images magnifiques des animaux que le vétérinaire garde en cage, un couple qui s’observe, s’épie même. Vont-ils enfin se trouver, avoir quelques élans de tendresse ? Nous sommes en pleine paranoïa de l’éventualité d’une guerre atomique, et les animaux s’affolent-ils pour rien ? Christian de Chalonge donnera une suite dans Malevil, un autre de mes coups de cœur…